Nouveaux métavers et projets culturels

Quatre nouvelles expériences immersives à impact

Elisa GRAVIL , Museovation
14 min readOct 15, 2023
Copie d’écran du métavers de l’Aquarium de Paris, Jellyverse.science, conçu par Broken Egg

En septembre dernier, le ministère de la Culture a confirmé sa volonté d’investir dans les métavers culturels avec la continuité du plan France 2030, libérant plus de 150 millions d’euros à destination des initiatives dans le Web3. Plusieurs institutions notoires sont encore en phase de réflexion, ébranlées par l’échec de Meta et l’effondrement du marché des NFT. Pourtant, quelques initiatives émergent, loin des premières ambitions techniquement trop complexes, plus couteuses que lucratives, et seulement compréhensibles de quelques happy few.

Ces récentes initiatives proposent une nouvelle manière d’envisager le Web 3, avec des expériences à impact qui laissent présager d’une meilleure réceptivité par le grand public. On trouve ainsi deux espaces virtuels déjà opérationnels, avec le métavers « The Cultureverse » lancé le 19 septembre pour célébrer les 50 ans du Hip-Hop, et « Jellyverse.science », lancé le vendredi 6 octobre dernier par l’Aquarium de Paris. Parallèlement, deux projets sont en cours de développement, avec le futur musée virtuel des œuvres volées, récemment annoncé par Audrey Azoulay directrice générale de l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) et le « Museums Metaverse » écossais destiné à héberger des objets en 3D issus de leurs collections. En voici un descriptif et quelques conclusions si vous envisagez de développer ce type d’expérience numérique immersive.

1/The Cultureverse, espace immersif pour les 50 ans du Hip-Hop

Le mois d’août 2023 a vu émerger aux États-Unis, une série d’initiatives autour des 50 ans du Hip-Hop. La plus internationale d’entre d’elle reste sans contexte la création d’un métavers sur la plateforme Spatial à l’initiative de People of Crypto Lab (POCLab), avec pour mécène le géant de la distribution Walmart. L’ambition affichée est de « promouvoir la culture noire du Hip-Hop et son impact sur l’art, la musique et la mode, en utilisant les technologies du Web3 » (à noter au passage que l’emploi du mot métavers a quasi disparu de la phraséologie des dossiers de presse). La participation de Walmart s’explique à la fois par sa connaissance des univers virtuels (cf Walmart Discovered deuxième expérience Roblox lancée en septembre 2023), sa politique RSE à destination des entrepreneurs et créateurs noirs avec le programme « Black & Unlimited, celebrating change makers » et enfin, un contexte corporate avec l’initiative « Access for All » en faveur des musées menée par la Fondation Art Bridges d’Alice Walton, héritière de Walmart, avec 60 millions de dollars de don.

“The Cultureverse” est hébergé sur le métavers Spatial (disponible sur web, mobile et casque de réalité virtuelle Quest). Elle est particulièrement facile d’accès par un simple lien web. Une fois inscrit, il suffit de créer son avatar. Deux options s’offrent alors : soit connecter son avatar interopérable Ready-Player-Me, soit créer un avatar propre à l’univers Spatial, que vous pourrez ré-utiliser dans d’autres expériences sur la même plateforme.

Décor de l’expérience The Culturverse où évoluent plusieurs avatars de visiteurs. deux images l’une montrant la porte d’entrée du métavers expliquant les expériences à venir et l’autre montrant les logos des partenaires en blanc sur fond noir.
Copies d’écran du métavers The Cultureverse dans Spatial- Liste des parties prenantes du projet.

Dès l’entrée, le portail d’accueil annonce l’objectif de ce projet : « À quoi ressemblera les 50 prochaines années du Hip-Hop et comment comptez-vous y participer ? ». Pour aider le visiteur à se projeter, on l’enjoint donc à se plonger dans les nombreuses archives du passé afin d’apporter, in fine, sa pierre à l’édifice. L’expérience est sonorisée par le morceau de Dusty Waves, Lalinea . Elle est gamifiée par un principe de collecte de vinyles qui vous conduit d’espaces en espaces pour découvrir différents contenus sur lesquels vous sont posées des questions : Main Stage, Art of Sound — Museum of Graffiti, Rock the Bells, Jet Walls, Style of Sound. Chaque bonne réponse donne accès à un objet de collection symbolique du mouvement Hip Hop : bombe de peinture, boombaster, table de mixage, casquette hip-hop. La zone dédiée au style streetwear démontre combien les créateurs de ce mouvement sont aujourd’hui les pionniers des tendances de la mode numérique, ouvrant ainsi un nouveau chapitre aux entrepreneurs Web3 de la communauté afro-américaine qui souhaiteraient se lancer. Lorsque vous aurez accompli tous les challenges, vous gagnerez une tenue streetwear pour votre avatar Ready-Player-Me, utilisable partout dans Spatial, ainsi qu’une « aura » mais que vous ne pourrez utiliser que dans The Cultureverse.

Quatre images montrant dans différents angles de l’expérience du Museum of Graffiti avec des avatars qui déambulent, des poster aux murs, des exemples de design de graffiti et enfin un gain obtenu pour bonne réponse à une question. Ici une bombe de peinture couleur argent.
Principe de gamification des divers espaces du métavers The Cultureverse dans Spatial

Par ailleurs, dans un objectif participatif, Walmart a demandé à quatre artistes visionnaires, (Lyne Lucien, Elise Swopes, Keion Kopper, New-York Penn) de créer des œuvres d’art inspirées par la question suivante : Que signifie Black & Unlimited pour vous ?. L’espace Rock the Bells (festival annuel de Hip-Hop) fait la promotion du livre « The Streets Win, 50 Years of Hip-Hop Greatness », conçu par LL Cool J, la légende du Hip Hop, et qui achetable grâce à un lien sur le site de Walmart. Enfin, un « Insta Selfie Spot » vous permet de réaliser une photo et de la partager en taguant @poclab.io, contribuant ainsi à la notoriété de l’expérience sur les réseaux sociaux.

Trois images de gauche à droite : le portrait d’un artiste avec sa phrase déclarative sur l’impact du Hip-Hop écrit sur un mur, au centre, un avatar en tenue marron et sigle de graffiti orange, regardant une photo de deux personnes afro-américaines tenant un livre devant un poster du festival Rock The Bells et enfin une pose selfie de l’avatar sur un podium grafitté de sigles noirs avec un personnage aux cheveux orange en fond.
Copies d’écran de mon avatar dans sa tenue Hip Hop au sein des expériences de The Cultureverse

Le lancement s’est accompagné d’une forte campagne de presse et de nombreuses publications sur les divers réseaux sociaux classiques. Au 12 octobre 2023, l’expérience a déjà été vue par 35K visiteurs (uniques ?) et aimés par 500 d’entre eux, ce qui le place dans les expériences les plus fréquentées sur Spatial (soit plus de 1450 visiteurs /jour, le record actuel sur la plateforme étant de 3 600 visiteurs /jour pour Racing Empire). Si vous souhaitez échanger sur le sujet du Hip-Hop, je vous conseille de privilégier la fin de journée, pour nous européens, quand la côte Est des États-unis devient active. Vous aurez alors le plaisir d’évoluer au bas mot avec une trentaine de curieux en même temps que vous.

Quatre images dont trois sont des captures écrans du compte instagram du créateur du métavers PocLab montrant leur communication pour le lancement. la quatrième image est une communication sur leur réseau Linkedin annonçant la date d’ouverture du métavers en octobre.
Captures écran de la communication de PocLab pour le lancement de The Cultureverse

2/ Jellyverse, pour promouvoir les méduses de l’Aquarium de Paris

En décembre 2022, l’Aquarium de Paris, dont l’administrateur Alexis Powilewicz croit fermement aux univers virtuels, a initié sa présence dans le Web3, accompagné par Broken EGG-Metaseum , une start-up hollandaise distinguée lors des dernier Duo de l’innovation à Museum Connections en janvier 2023. ne souhaitant pas s’adosser à des mécènes extérieurs, la stratégie choisie pour installer la marque dans le Web3, a reposé en deux temps: la construction d’une communauté mondiale en ligne par la vente de souvenir digitaux (NFT), puis la fédération de cette communauté dans un espace virtuel (métavers), où se dérouleront divers évènements. La vente de NFT a servi de levée de fonds pour la construction du métavers, rendant ainsi l’équation économique supportable et rentable pour toutes les parties impliquées.

Cheminement stratégique en 6 étapes sous forme de bulles, des NFT au métavers
Copie d’écran en provenance du site de Broken Egg sur la stratégie de développement

L’Aquarium de Paris, détenteur de la plus large collection de méduses au monde, a donc généré en décembre 2022, sur la blockchain Ethereum, une collection de 1.234 NFTs de 60 sortes de Méduses, conçues en impliquant les biologistes de l’Aquarium pour assurer leur précision scientifique. Ces souvenirs digitaux donnent un accès Premium à l’aquarium, des réductions au restaurant et des visites privées en compagnie de médiateurs ou scientifiques. La vente ayant été un succès, l’Aquarium de Paris a décidé de passer à la création de son métavers afin de poursuivre la conversation avec la communauté d’amateurs et de passionnés, fédérée lors de la vente.

Quatre image les deux premières représentant des méduses, la troisième présentant une copie d’écran de smartphone montrant l’interface d’un Wallet avec des NFT de méduses et la quatrième un variété de méduses NFT qu’il est possible d’acquérir.
Copie d’écran de la collection digitale de l’Aquarium de Paris

« Jellyverse » est une expérience qui se déroule également sur la plateforme Spatial pour les mêmes raisons que précédemment : facilité d’accès pour le visiteur et développement d’expériences variées pour le porteur de projet. Mais pour des raisons de cibles linguistiques, deux univers ont été créés, l’un pour les francophones (.science) et l’autre pour les anglophones (.xyz). Broken Egg a pu également profiter du tout nouveau développement SDK de Spatial développé sur Unity permettant de créer une expérience gamifiée, mêlant pédagogie au plaisir de la découverte d’un monde virtuel marin où évoluent les méduses.

Copies d’écran du métavers Jellyverse de l’Aquarium de Paris, version française

Le parcours commence d’emblée dans les fonds marins, assez semblables aux décors que vous pouvez retrouver dans les grands bassins de l’Aquarium de Paris. Alors que vous avancez dans les canyons, les différentes méduses dansent autour de vous jusqu’à vous conduire à Chryoar, votre guide-plongeur, qui vous propose d’accomplir plusieurs épreuves. L’une d’entre elle a pour but d’améliorer vos pratiques de préservation des écosystèmes marins (je ne vous en dis pas plus !). Pour chaque défi accompli, vous serez récompensé par l’acquisition d’une nouvelle méduse qui viendra remplir votre sac à dos. Un conseil, retenez-bien les enseignements de Chrysoar sur les spécificités de ces invertébrés, car ils vous serviront pour répondre au quizz final qui vous permettra d’atteindre la dernière épreuve, consistant en une course effrénée à dos de méduse ! Là encore, si vous réussissez, vous serez récompensé par l’acquisition d’une combinaison de plongée que votre avatar “Ready-Payer-Me” pourra arborer dans d’autres méta-univers (comme la tenue de Hip-Hop dans le métavers précédent). Cette tactique permet de susciter l’intérêt d’autres joueurs et faire connaitre Jellyverse.

trois images de gauche à droite: trois méduses de couleur bleu, jaune et blanche avec l’explication du challenge, au centre panneau de félicitations de fin de cours, dernière image 3  tenues de plongée qu’il est possible de remporter une bleue, une verte une jaune.
Copie d’écran de Jellyverse — Récompense finale

Les ambiances sonores et lumineuses sont travaillées de manière à vous mettre dans l’ambiance, grâce à des effets de diffraction des rayons du soleil dans l’eau, des effets de luminescence provoqués par certaines méduses (visibles à l’Aquarium), et un bruit sourd d’ondulations des algues et de bulles d’air remontant à la surface en provenance des bouteilles d’oxygène de Chrysoar.

Trois images de gauche à droite : avatar jupe jaune, t-shirt noir et chapeau type panama dans les fonds marins de l’expérience, le même avatar regardant une méduse luminescente, toujours le même avatar observant la méduse qu’il va choisir de chevaucher pour la dernière étape.
Copies d’écran des fonds marins de Jellyverse avec méduse photo-lumniscente visité par l’avatar Ready-Player-Me de Museovation

Enfin, Jellyverse est dynamisé par une communication de l’Aquarium de Paris sur les réseaux sociaux, sur son site web, et sa newsletter, ainsi que in situ, les médiateurs et scientifiques concepteurs du projet ayant à coeur de créer le lien entre Aquarium réel (In Real life-IRL) et en ligne (URL). Son partenaire Broken Egg gère parallèlement la communauté sur un compte Discord dédié, un incontournable dans la mise en place de métavers.

Deux images de gauche à droite : image du compte instagram de l’Aquarium annonçant le lancement de Jellyverse, trois personnes assises sur des chaises transparentes disposées en cercle devant un aquarium géant, deux scientifiques de l’Aquarium en t-shirt bleu et une troisième en costume gris du créateur du projet, présentant au micro le lancement de Jellyverse.
Copie d’écran compte Instagram Aquarium de Paris- Lancement presse avec les biologistes et Broken Egg

3/ Museums in the Metaverse, un projet écossais XR et participatif

Financé par le programme Innovation Accelerator du gouvernement britannique à hauteur de 5,6 millions de Livres, le projet « Museums in the Metaverse » est une plateforme en réalité étendue (XR), qui permettra aux visiteurs d’accéder à une variété de musées et d’expériences virtuelles, tout en soutenant la croissance économique et culturelle de la région.

Trois images de gauche à droite : un homme habillé en noir de face debout devant une numérisation d’un chateau en pierre d’Écosse, le même homme de dos avec un casque de réalité virtuel sur la tête et des manettes dans les mains manipulant un bâtiment numérisé en 3D devant un vitrail représentant des rayons de soleil jaune, trois personnes assises dans un musée équipées de casque de réalité virtuelle avec un squelette d’animal flottant au desus d’eux,
Copie d’écran de la vidéo de lancement du projet Museums in the Metaverse

Dans un premier temps, les conservateurs des avoirs numériques pourront créer de nouvelles narrations à l’aide d’objets et environnements en 3D, grâce à l’avancée de la photogrammétrie et des intelligences artificielles génératives, qui simplifient et allègent le coût de création de ces espaces virtuels. Dans un deuxième temps, la plateforme sera accessible au public qui pourra s’il le désire participer à sa création, en réunissant des objets en provenance de différentes collections. Le projet, dirigé par le professeur Neil McDonnell de l’Université de Glasgow, implique divers partenaires dont les musées nationaux d’Écosse, Historic Environment Scotland et The Hunterian Museum ainsi que la plateforme d’immersive learning Edify. Il vise à rendre accessibles au public plus de 90 % des objets actuellement stockés en réserve. Il permettra également de développer de nouveaux partenariats en terme de recherche, tant au niveau local qu’international.

Virtual reality Museums offer transformative extensions to the traditional museum experience: they can host collections of any size, show distant objects side-by-side, and be accessed from anywhere in the world. Professeur Neil Mc Donnell, chef de l’équipe “Museums in the Metavers”, interview à Museum and Heritage.

4/ Le Métavers des oeuvres disparues, piloté par l’UNESCO

L’idée de créer un musée virtuel des oeuvres spoliées, pillées ou disparues n’est pas nouvelle. Dès 2012, la Tate Gallery présente une exposition en ligne intitulée “The Gallery of Lost Art” mettant en avant 40 artistes dont les oeuvres emblématiques de l’art contemporain ont été détruites, spoliées ou simplement ont disparu lors de ces 100 dernières années. En 2018, UMA (Universal Museum of Art), porté par Jean Vergès, introduit une forme plus immersive en 360° facilement consultable à l’aide de la GoogleBox en carton. Ce musée virtuel présente The Spoil of War , exposition numérique dédiée aux oeuvres dérobées par les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, dont on estime le nombre à environ 600 000 entre 1933 et 1945. La galerie virtuelle est reconstituée à l’aide de photos d’époque et de notes prises par la résistante Rose Valland, sous la houlette de deux co-fondateurs du Holocaust Art Restitution Project (Washington D.C). En 2022, le principe du musée virtuel sera repris et sophistiqué avec le projet “The Stolen Art Gallery” qui présente de manière très détaillée 5 oeuvres volées (Le Caravage, Rembrandt, Cézanne, Van Gogh, Manet) consultables de manière interactive grâce à une application en réalité virtuelle. L’application permet de créer des notes ou des croquis visibles par les autres utilisateurs, en plus des guides audio disponibles.

Quatre images : la première en haut à gauche montre une copie d’acrn de site web projet de Tate Gallery avec le mot missing, le deuxième montre l’affiche d’un tableau de Klimt montrant une femme et une mise en scène de tableaux volés disposés sur les murs d’une pièce en se chevauchant, la troisième montre les cinq tableaux volés de l’application The Stolen Art.
Copies d’écran des sites ou applications numériques d’oeuvres spoliées ou volées

Tout dernièrement, la base en ligne dédiée aux bronzes du Bénin, Digital Benin”, et le projet virtuel NFT “Looty.art réunissant des scans 3D, parfois réalisés de manière non autorisée dans les musées, mettent l’accent sur les problématique de restitutions d’oeuvres d’origine africaine, illégalement acquises dans un contexte colonial. Ce dernier projet permet de “restituer” in situ les oeuvres volées grâce une projection en réalité augmentée des oeuvres numériques. Enfin, reste à signaler le site web “Art Loss Register” qui, comme son nom l’indique, recense les oeuvres perdues ou volées mais sans y donner accès d’une manière interactive. La base Interpole en estime le nombre à plus de 52 000.

deux images: à guache un ordinateur portable montrant la page d’accueil du projet Digital bénin et à droite deux smartphone montrant des images en réalité augmentée une tête en bronze et la pierre de Rosette .
Copie d’écran du site “Digital Bénin” et de l’application en réalité augmentée “Looty”

C’est dans ce contexte, et face à l’obsolescence des initiatives précédentes, que l’UNESCO a décidé de s’emparer du sujet du trafic illicite de biens culturels, dans la droite ligne de sa mission de protection du patrimoine mondial. Le projet “Métavers des oeuvres disparues” est confié au célèbre architecte burkinabé Diébédo Francis Kéré, détenteur du prix d’architecture Pritzker. Ce musée virtuel, prévu pour 2025 et financé à auteur de 2,5 millions de dollars, ne présentera que 600 oeuvres symboliques en collaboration avec Interpol (Organisation internationale de police criminelle).

« Nous espérons que cette collection diminuera au fur et à mesure que les objets seront récupérés » Ernesto Ottone, sous-directeur général pour la culture de l’UNESCO, interviewée par Beaux-Arts Magazine .

Ce musée virtuel aura pour vocation de sensibiliser le public sur la valeur de ce patrimoine mondial, et rappeler leur importance pour les communautés qui en ont été dépossédées. La partie la plus difficile de la reconstitution sera la création en 3D des objets à partir de photos, souvent en basse définition définition, et en noir et blanc.

Trois images qui montrent le futur musée de l’UNESCO sous forme d’images virtuelles, une mappemonde, un intérieur de musée avec des visiteurs déambulant autour de piliers supportant des oeuvres d’art et enfin une spirale decouleur chair enveloppant des visiteurs sous un dôme semblant de couleur terre.
Photos @KéréArchitecture pour le projet UNSCO de musée virtuel des oeuvres d’art volées

5/ Conclusion

Ces initiatives marquent un tournant dans la stratégie de développement de métavers par les institutions culturelles. En capitalisant sur les erreurs stratégiques et technologiques passées, en se recentrant sur des objectifs atteignables et à impacts, elles proposent désormais des expériences plaisantes, utiles et interactives soutenues par des plans de communication renforcés.

Les ressorts employés sont :

A) Stratégie de développement

  • Capitalisation par l’institution sur un objectif spécifique et à impact, avec une identification claire des cibles visées (une thématique, des besoins et pratiques de gaming identifiées pour des cibles d’âges inférieures à 40 ans prioritairement, et déjà acculturées au jeu vidéo).
  • Optimisation d’assets numériques existants dans les collections ou à développer lors d’une campagne de numérisation déjà financée hors le projet.
  • Volonté de co-création entre experts scientifiques, développeurs et marketeurs pour obtenir le meilleur équilibre entre véracité des 3D numériques montrés, créativité des expériences proposées, et impact des messages passés.
  • Financement : soit par de puissants mécènes participant à la visibilité du projet mais dont les valeurs restent en adéquation avec celles de l’institution, ou selon un modèle économique auto-suffisant par la génération de souvenir digitaux (NFT) dans un premier temps.
  • Plan de communication sur un temps long et multi-canaux : sur les réseaux classiques en ligne (site Web, réseaux sociaux dont impérativement Discord, newsletter) mais aussi in-situ avec kakémono à l’accueil pour dynamiser la fréquentation de ces univers. Relance à chaque nouvelle expérience rajoutée.
  • Animations en plusieurs temps et hybrides : création de « Live » avec personnalités (influenceurs, artistes, scientifiques) pour animer l’espace sur un temps long. Usage de ces univers in situ avec la mise à disposition d’ordinateurs dédiés, espace piloté par les médiateurs qui ont participé à la création de l’expérience numérique. Expériences complémentaires rajoutées six mois après l’ouverture afin de maintenir un intérêt continu pour l’espace numérique.

B)Modalités techniques (hébergement, esthétique, fonctionnalités)

  • Notoriété de la plateforme hébergeant le métavers : elle doit disposer déjà de visiteurs susceptibles d’être captés (plus de 65,5 millions de visiteurs quotidiens sur Roblox au Q2 2023, 320 K visiteurs non-uniques sur l’ensemble des expériences Spatial-source SemRush). À noter qu’en l’absence de plateformes européennes ou françaises, les institutions abdiquent sur leur souveraineté d’hébergement et la gestion des données de fréquentation. Par si ailleurs elles s’engagent sur un développement solitaire, elles se heurteront inévitablement à une faible fréquentation. Le phénomène des super-app telle que la Bloomberg Connect (cf Muzeodrome N° 135) est à projeter sur le développement des métavers d’institutions culturelles. le rgroupement écossais est en ce sens très instructif.
  • Notoriété des créateurs du design et de l’expérience, véritables ambassadeurs du projet (groupe artistique ou architecte connu). À ce titre, il est à signaler l’apparition de concours soutenus par différents métavers, MAD — Interior Design & Spatial ou La Biennale architecturale de Decentraland, qui favorisent l’émergence de designs originaux. Certains de ces projets peuvent donner vie à des utopies architecturales jamais construites, comme se propose de le réaliser la startup NADK fondée par trois architectes qui valorisent vos archives.
  • Accès simple d’usage, sur mobile ou ordinateur, et éventuellement en réalité virtuelle (le parc français de casques VR stagne aux alentours de 7% des ménages équipés pour l’instant).
  • Fonctionnalités de gaming et NFT : possibilité d’embarquer les communautés dans des expériences créatives, éventuellement rémunératrice (économie de créateurs propre au Web3). Les SDK quasi no-code de Spatial ou Roblox s’y prêtent particulièrement.
  • Existence d’une boutique en ligne pour l’exploiter dans un deuxième temps, une fois la communauté embarquée dans les univers virtuels.
  • Nota bene : le caractère plus ou moins éco-responsable des différentes plateformes n’est jamais soulevé par les porteurs de projet. Il serait souhaitable de se pencher sur le sujet pour rendre ces métavers pérennes (qualité verte du cloud, typologie de blockchain, etc.).

Pour conclure, ces nouveaux métavers allient la découvrabilité de contenus riches et souvent inaccessibles, à une démarche pédagogique éclairant des sujets sociétaux (diversité, inclusion), environnementaux (biodiversité, changement climatique) ou muséaux (trafic d’œuvres d’art) pour tenter de modifier en profondeur la société. Ils permettent de stimuler la créativité, de favoriser la confiance en soi et l’ambition (empowerment) de populations jusqu’alors peu visibles ou entendues, et d’initier de nouveaux comportements plus responsables et collaboratifs.

Museovation , société de consultants accompagnant les institutions culturelles dans leur transformation numérique, réalise une veille récurrente, documentée et “vécue” des expériences muséales dans le Web3 (XR, Métavers, NFT), ce afin d’accompagner ses clients dans leur développement stratégique, en partenariat avec différents experts selon les besoins du projet.

🔊 N’hésitez-pas à nous contacter si vous avez un projet en cours de réflexion : contact@museovation.co.

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Elisa GRAVIL , Museovation

CEO of #Museovation. Love to share my experiences with others about digital transformation in cultural institutions. Let’s get in touch on Twitter: @ElisaGravil