Photo de la Conférence Museums Association Brighton. ©Museovation

Inclusion et diversité au musée (#museums2019 — Part 3)

Elisa GRAVIL , Museovation
6 min readOct 14, 2019

Cet article est le troisième d’une série de cinq articles restituant les présentations et débats de la conférence annuelle de la Museums Association, U.K., Brighton 2019.

A la stricte perception de la décolonisation abordée dans les nombreuses conférences de la Museums Associations U.K., s’ajoute une autre dimension qui questionne la notion de pouvoir au sein du musée : Qui décide ? Sur quels critères ? Pour qui ? Dans quel but ? Le musée étant perçu comme l’incarnation d’un pouvoir capitaliste, d’hommes blancs, “straight”, le sujet de la décolonisation des musées embrasse plus largement des problématiques de genre, questionnant la place des femmes, des communautés LGBTQ+ ou encore la perception des populations à handicap physique ou mental.

De “Medecin Now” à “Being Human” : un cas d’école de design universel à la Wellcome Collection, Londres

Photo keynote de Kate Forde de la Wellcome Collection, Museum ID 2019

Par la voix de Richard Sandell, Professor of Museum Studies à Leicester University, la Wellcome Collection entend faire connaître la réflexion qu’elle a menée, tant sur la présentation de ses collections très éclectiques, que sur ses méthodologies de travail en design centré sur l’humain. Une série d’entretiens a permis de mettre en lumière le fait que la galerie était perçue comme “dégradante, clinique, violente” pour les personnes à handicap qui la visitaient.

This gallery is the last place on earth they would like to visit with their friends. It’s not cool at all; it was very clinical and filled with hate. Commentaire d’une des personnes interrogées lors des ateliers d’UX Design-rapporté par Richard Sandell

Prenant la critique très au sérieux, la Wellcome Collection a radicalement changé le récit de sa galerie principale et de ses contenus en s’éloignant de ce que l’on nomme “le regard médical” : basé sur l’expertise scientifique, orientée sur le diagnostique, neutre et dépassionnée, prônant néanmoins l’avancée médicale.

Entretien sur la notion de normalité avec Dolly Sen, activiste et artiste.

Grâce à un travail d’écoute active et de co-construction avec les communautés concernées (personnes handicapées, scientifiques, médecins, universitaires, mécènes, personnel au contact des visiteurs), la Wellcome Collection a réussi à devenir un lieu inclusif, non différentiant et porteur d’un autre regard sur le handicap. Chaque prototype a été validé par les différentes communautés de personnes à handicap. Chaque cartel a fait l’objet d’une ré-écriture collective. Pour Richard Sandell, il ne s’agit pas d’un geste de bonne volonté ou d’une case à remplir pour répondre à la loi, mais de répondre à un droit fondamental.

‘A person isn’t ‘disabled’ because of their impairment, health condition or the ways in which they may differ from what is commonly considered the medical ‘norm’; rather it is the physical and attitudinal barriers in society…that disable people” Shape Arts-Social model of Disability

La galerie a non seulement été repensée dans ses espaces, avec une meilleure circulation, des lettrages plus lisibles, des couleurs adéquates, mais également dans son contenu pour offrir plusieurs niveaux de compréhension dans le discours. La Wellcome Collection a également privilégié l’expérience des personnes concernées par le handicap en reprenant leurs propres mots. En présentant des œuvres d’artistes activistes interrogeant la perception de la notion de handicap, elle a reconnu explicitement le contexte politique du handicap et la façon dont la société prive les personnes handicapées de leurs moyens d’action.

Pity by Katherine Araniello

“This isn’t about political correctness; it is not a personally driven ideology or manifesto. It’s about acknowledging the ethical responsibility museums hold and their capacity to enact and actively lend support of progressive values that benefit everybody.” Richard Sandell, Professor of Museum Studies à Leicester University

La justesse et l’humilité de la démarche, dont le résultat est probant, va très certainement devenir un modèle du genre dans les musées, en termes de design centré sur l’humain.

A commitment for social justice should be a defining in feature not only for museums which have human rights at their core but by museums of all kinds. The Wellcome Collection is a very good example of how museums of any kind, whatever their collections or forms of governance, can take a value laid and rights-based approaches to their work […] Museums can use their resources and their unique position to explicitly acknowledge and draw attention to inequalities and strongly act upon them to offer ways to foster sympathy, understanding and connection.” Richard Sandell, Professor of Museum Studies à Leicester University

Des démarches hors champs qui questionnent l’inclusion dans les institutions

Session animée par E-J Scott, Curator du Museum of Transology, Brighton Museum & Art Gallery. Intervenants: Topher Campbell, Co-founder, The Rukus! Archive: Love and Lubrication, Florence Schechter, Director, Vagina Museum, Jess Turtle, Co-founder, Museum of Homelessness

Le Royaume-Uni semble être témoin d’une nouvelle vague de muséologie : les collections communautaires, dont le Vagina Museum (musée du vagin), le Museum of Homelessness (Musée des Sans-Abris), ou encore le Museum of Transology (sur le transgenre). Ces musées ont rarement pignon sur rue (à l’exception du Vagina Museum qui vient d’ouvrir ses portes) mais ils sont construits dans un esprit collectif des communautés qu’ils représentent. Attirant un public qualifié de “difficile à atteindre”, ne rentrant pas dans la norme des expositions “familiales” (mais qu’entend-on par famille de nos jours ?), ces projets ont vu le jour hors les institutions. Ils revendiquent une inclusion, une diversité et une représentativité de populations souvent absentes des musées eux-mêmes, tant dans les visiteurs que dans le recrutement des équipes.

Vagina Museum founder Florence Schechter (right) and volunteer Jasmine Evans. ©Nicole Rixon

“As long as you blame people to be difficult, it means there is a problem with you, museums!” Topher Campbell, Co-founder, The Rukus!

Ces démarches muséales “hors champs” sont de véritables défis pour les institutions culturelles.

  • Dénonciation d’attitudes discriminantes envers certaines communautés posant à nouveau la question du pouvoir de décision au sein du musée : absence d’écoute, refus de la réception de la parole ou des collections que ces communautés constituent par elles-mêmes.

Topher Campbell, fondateur de The Rukus!, déplore le fait qu’aucune institution ne se soit manifestée pour assurer la conservation de ce qui est devenue avec le temps la mémoire des Homosexuels noirs en Angleterre.

  • Questionnement de la représentativité de certains sujets : représentativité ethnique et sociale, genre, sexualité. Ces sujets sont pourtant au cœur des discussions des jeunes générations que les musées cherchent tant à séduire.

Sur le thème du sexe, Florence Schechter rappelle que c’est se voiler la face de ne pas parler de sexe quand on sait qu’un enfant anglais est confronté à des films pornographiques dès l’âge de 8 ans en cours de récréation !

“Thank you for doing this as I don’t know what to say to my children and I’m comfortable with it. It is a good way to get involved in those questions.” Propos d’une mère sur le Vagina Museum — rapporté par Jasmine Evans

  • Dénonciation d’interprétation erronée de certaines œuvres dans les musées : les œuvres où l’homosexualité est présente doivent être clairement explicitées.

Mais tous ne sont pas opposés aux institutions et cherchent plutôt à les faire bouger de l’intérieur. Grâce à des expositions itinérantes, le Museum of Transology espère sensibiliser les personnels de musées. Il a également mis au point un guide pour aider les institutions à intégrer les problématiques des trans-genres dans leur réflexion quotidienne.

Museums Associations consacrera en décembre une journée entière de formation sur le sujet.

All inclusive 2019

To be continued-#museums2019-Part4- Éthique et RSE au musée

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Elisa GRAVIL , Museovation
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Written by Elisa GRAVIL , Museovation

CEO of #Museovation. Love to share my experiences with others about digital transformation in cultural institutions. Let’s get in touch on Twitter: @ElisaGravil

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