#ICOMPrague2022, une conférence cathartique posant les jalons de 2028
Fin du mois d’août s’est tenue à Prague la 26ème conférence de l’ICOM (International Council of Museums) organisme reconnu comme le porte-parole objectif et fiable du secteur mondial des musées. Si la conférence avait pour but principal de faire voter une nouvelle définition des musées qui n’avait pu voir le jour à Kyoto en 2019, ce fut aussi l’occasion d’aborder les grands sujets qui secouent le secteur. À la différence d’autres grandes conférences muséales, l’ICOM se penche tout particulièrement sur des aspects muséologiques, éthiques et politiques, avec une emphase depuis Kyoto, sur les enjeux de changement climatique et la protection des musées en temps de désastres ou de guerre, Ukraine oblige. Alors que retenir de ces quatre jours de conférence ? (chaque mot souligné est un lien vers la source correspondante)
Une nouvelle définition favorisant l’apaisement mais déjà remise en question
La conférence de Kyoto avait été particulièrement houleuse au point de mettre en danger l’unité de l’ICOM, certains membres, dont ICOM France, ne se reconnaissant plus dans la définition proposée, considérée comme “confuse, trop éloignée des missions historiques du musée, trop sociale, trop politique et manquant de fondement légal ”. Si les discussions avaient alors contraint certains participants à rester enfermés pendant plus d’une journée, elles ont néanmoins eu le mérite de mettre sur la table des sujets qui ne pouvaient plus être évités, interrogeant les musées sur leur place dans la société, sur leur raison d’être, sur leur neutralité , sur leurs engagements vis à vis de leurs communautés et plus largement leurs actions aux regards des générations futures. Après deux ans et demi de consultation “collaborative, démocratique et transparente”, le Comité “Define” mené par le diplomate, multilingue et talentueux tandem de Lauran Bonilla-Merchav (Museum of Costa Rican Art) et Bruno Brulon-Soares (professeur de muséologie à Federal University of Rio de Janeiro), a réussi à faire émerger une définition finalement votée à plus de 92% par ses membres.
Oubliant le jargon de la proposition de Kyoto, elle met à l’honneur des mots attendus tels que “au service de la société”, “accessible”, “inclusif”, ou encore “diversité” , “durabilité” ou “éthique”; elle souligne l’importance du “patrimoine immatériel”; elle préfère “collecter” qu’ “acquérir”; elle ose les mots “expérience” ou “divertissement”.
Pourtant à peine actée, elle suscitait déjà des interrogations sur des points très divers :
- Maintien de la mention « sans but lucratif» . Si sur un plan légal, ce point est essentiel afin d’être en mesure de recevoir des fonds en provenance des états, l’injonction faite aux musées d’être de plus en plus auto-suffisants peut rendre cet aspect caduque . Par ailleurs, comme le souligne le directeur exécutif du Fotografiska, Yoram Roth, être “à but lucratif” n’empêche en rien de remplir la mission sociale des musées.
- Absence des mots « rapatriement » , « restitution » ou « retrait des collections » ( pratique anglo-saxonne du “deaccessioning” ) , souligné dans the Art Newspaper par Muthoni Thangwa , la directrice du développement des Musées nationaux du Kenya. Pourtant on constate une sérieuse accélération de ces pratiques encore récemment 500 bronzes du Bénin en provenance des musées allemands en cours de restitution au Nigéria ou le retour en Inde de premières oeuvres d’art indien par les musées de Glasgow. Ces questions soulèvent des problématiques particulièrement complexes à gérer telles que les Frises du Parthénon par la Grèce — campagne #BringThemBack — ou la Pierre de Rosette par l’Égypte, les deux étant des sources considérables de revenus pour le British Museum, tant en entrées qu’en objets dérivés.
- Absence d’une quelconque allusion au numérique alors que nous sortons quasiment de deux ans de musée en ligne et que les buzzwords n’ont pas manqué d’émailler les conversations (métavers, musée hybride / phygital / virtuel). Il est peut-être nécessaire de rappeler ici que la dernière définition du musée datant de 2007 correspond à l’année de sortie de l’Iphone qui a révolutionné internet avec le développement du Web 2.0 et la montée des réseaux sociaux devenus depuis, l’un des canaux principaux de communication des musées. La nouvelle définition a été votée alors que nous venons de passer une année à commenter l’arrivée prochaine du Web 3.0 (cf courbe Google Trends ci-dessous) et que la Chine a annoncé fin août la mise en oeuvre d’un plan à deux ans pour développer un métavers à visée touristique et éducative. L’absence d’allusion au version numérique du musée, qui pose par ailleurs d’énormes problèmes de copyrights, d’éthique ou de modèle économique, peut donc être questionnée comme le fait Sandro Bonno .
- Problème de traduction du mot « enjoyment » dans le cas de la France, le mot « divertissement » venant remplacer « délectation », considéré trop élitiste et désuet. Il est reproché à “divertissement” de privilégier l’amusement façon parc à thème (entertainment) au détriment de l’émotion, tandis que les musées de mémoire ne peuvent le cautionner. Y-aura-t-il une ultime traduction française de la définition adoptée ? Cela reste encore possible d’autant plus que d’autres pays (tout particulièrement en Asie) vont entreprendre cette difficile étape, la définition n’ayant été véritablement discutée que dans les trois langues officielles de l’ICOM, l’anglais, le français et l’espagnol. Il est à noter que la représentativité des langues ou le multilinguisme au sein de l’institution est un sujet pris à bras le corps par ICOMFrance dont le compte-rendu des travaux devrait être un sujet passionnant lors de la prochaine conférence prévue à Dubaï en 2025.
- Absence d’utilité ou difficulté de mise en pratique au quotidien de cette définition compte tenu de la diversité des musées à travers le monde, malicieusement souligné dans certains articles .
Pour terminer sur la nouvelle définition, certains membres se sont inquiétés en direct de la longueur de la consultation pour obtenir cette définition au regard de notre monde VUCA (acronyme de Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity), incitant fortement le Comité “Define” à maintenir sa réflexion en préparant déjà la prochaine version. Si les membres du comité actuel ont approuvé la démarche, l’ayant incluse dans leurs recommandations finales, je reste néanmoins sceptique sur les délais de renouvellement annoncés à l’horizon 2037/2040. N’est-ce pas trop tard pour maintenir le musée en mouvement, en phase avec les bouleversements technologiques, géopolitiques, climatiques et les besoins qui en découlent ?
Quoi qu’il en soit, cette nouvelle définition permet de penser des plaies restées à vif depuis Kyoto (de nombreux représentants des pays anglo-saxons brillaient d’ailleurs par leur absence à Prague, le COVID en est-il vraiment la raison ?). Elle ouvre inévitablement de nouvelles réflexions sur le développement des musées, ce qui ne peut laisser indifférents les leaders de ces mêmes institutions, qui semblaient pourtant en manque de stratégies pour faire face à ces changements .
Des musées désarmés face aux pressions sociétales
Les trois dernières années ont été particulièrement disruptives : poids du numérique, pression de forts enjeux sociétaux (#BlackLiveMatters, #Décolonisation, #MeToo, #Diversité, #Inclusion, #LGBTQA+) ou politico-économiques (#ClimateChange , #StandWithUkraine, #energycrisis). Elles ont fini par ébranler fortement le management des musées, désemparés face à autant d’injonctions, internes comme externes (on le serait à moins !). Comme le soulignait Carol Ann Scott dans son introduction à la thématique du deuxième jour “Vision, Museums and leadership” : il s’agit de passer du simple management des musées à la construction de nouvelles visions. Pourtant les interventions qui suivirent furent plus le reflet des interrogations, besoins et aspirations des musées, très peu d’intervenants osant émettre de véritables solutions dans leur keynote.
Ainsi les rares leaders de grandes institutions qui se sont exprimés tels que Lonnie G.Bunch III, quatorzième Secrétaire de la Smithsonian (à distance) ou Seb Chan nouvellement nommé à la tête d’ACMI (présent sur scène), ont principalement listé une série de conseils ou de mises en garde (S. Chan parle de “gentle provocation”). Tous d’eux ont choisi de rester en surface sans véritablement illustrer leurs propos d’exemples inspirants. M. Bunch a repris ses recommandations habituelles : S’assurer que les musées ne parlent pas qu’à leur propre bulle, Éclairer les coins sombres de l’Histoire, Dire la vérité sans fard, Penser le changement climatique dans sa triple dimension sociale/environnementale/économique, Travailler en collaboration pour trouver des réponses rapides. Seb Chan, quant à lui, a fortement recommandé aux musées de penser le numérique de manière plus indépendante, plus créative et plus collaborative entre industries culturelles.
Chan a expliqué sa position volontairement généraliste dans sa newsletter “Fresh & New”, ayant suivi les conseils d’Elaine Gurian pour écrire son intervention :“It is going be a general museum audience so they won’t be invested; they won’t know the tech discourse; and it’s a keynote so make it count and make it a provocation. It doesn’t have to be profound or new — in fact that’s not what that generalist slot is for”. Il a également repris sa présentation sur Medium pour en approfondir quelques points.
Personnellement je regrette le conseil donné par Mme Gurian qui a favorisé des discours un peu trop larges alors que l’audience (même si elle était très variée) avait visiblement besoin de grains à moudre et d’idées à partager. Ainsi, il est dommage de ne pas avoir évoqué les succès ou difficultés de la récente plateforme éducative de la Smithsonian (Smithsonian Learning Lab) alors qu’elle représente un travail colossal en co-création avec les enseignants américains et permet de répondre à l’une des injonctions faites au musée d’assumer son rôle au sein de la société. En effet, l’éducation aux États-Unis variant fortement d’un état à l’autre et étant sujette à des contraintes à la fois économiques et morales, l’accès à une telle plateforme permet d’acquérir un même savoir éclairé, fiable, inclusif et ouvert à la discussion pour des générations d’élèves. De même, l’ACMI a lancé voici plus d’un an sa Lens (Mars 2021) pour sortir les collections du musée de leur espace physique, autre sujet d’importance pour les musées. Il aurait été intéressant d’en connaitre les premiers résultats afin de réfléchir à l’évolution du musée hybride ou aux nouvelles formes d’engagements des publics. Est-ce aussi disruptif que le fut le stylo connecté du Cooper Hewitt en son temps ? Étant à l’origine des deux projets, S.Chan aurait pu en faire un comparatif intéressant sur la maturité numérique des musées ou de leurs publics et des conséquences sur la médiation in situ et hors-les-murs, ce à quasi dix ans d’intervalle.
Même regret pour l’intervention de Nanet Beumer, Head of Digital du Rijksmuseum, qui a pourtant particulièrement oeuvré à la co-création de narrations originales autour des collections, penser la captation des publics sur la totalité du tunnel de conversion, prenant à bras le corps la continuité phygitale du parcours visiteur, et ce sur un temps long, comme elle l’a rappelé : “There is definitely an audience online that we must serve as well as the offline one . We also offer the digital visitor a valuable museum experience and assume long-term conversion”.
Pourtant nous n’avons rien eu sur les raisons qui poussent le Rijksmuseum à repenser entièrement la conception de sa base de données afin d’offrir aux visiteurs en ligne des data interconnectées entre sa collection, sa bibliothèque et ses archives (Collections as Linked Data); aucun bilan du format entièrement narratif de la newsletter et ou des Stories du site web (#RijksmuseumUnlocked) et son impact sur le retour des visiteurs dans les galeries; rien sur le questionnement sur les collections, entamé depuis 2016 avec le programme d’ “Ajustement de la terminologie coloniale” et ayant abouti à la mise en place in situ de double-cartels (cartel sur l’esclavage au côté des cartels classiques). À l’heure des discussions sur les restitutions ou la décolonisation des musées, l’audience restait sur sa faim pour apprendre à “ ne pas alléger nos consciences mais créer des endroits où réfléchir à nos différences” pour reprendre les termes de Mme Margarita Reyes Suarez lors de son intervention “Museos par pensar territorios”.
Quant au Musée du Futur de Dubaï, il s’est rapidement heurté aux questions pourtant essentielles pour un musée du futur : quelle empreinte carbone ? Son directeur exécutif, Låth Carlson, est resté évasif, alors que l’audience aurait certainement aimé en apprendre plus sur le modèle de management par jumeau numérique ou BIM (développé par Buro Happold Engineering) ou sur les normes très strictes imposées lors de sa construction en lien avec les ambitions des Émirats Arabes Unis en termes de zéro-émission carbone à l’horizon 2050. Le bâtiment est en effet équipé de solutions avancées de contrôle du bâtiment, d’ascenseurs à entraînement régénératif, tandis que ses besoins en énergie seront couverts par 4 000 megawatts de panneaux solaires photovoltaïques situés à l’extérieur du site. 80 sortes de plantes spécifiques décorant le parc alentour sont arrosées par un système d’irrigation intelligent, optimisant un recyclage des eaux usées. Les visiteurs peuvent recharger leurs véhicules électriques tout en visitant le musée et le nombre de places de parking est limité pour encourager l’utilisation des transports publics, facilité par une passerelle en accès direct avec le métro de Dubaï. Enfin, le musée limite l’utilisation de plastique à usage unique et propose des protéines alternatives ou des viandes de culture au menu. Ainsi, même si elles ne sont pas applicables partout, ces solutions présentent des pistes intéressantes pour des musées en pleine réflection sur leur empreinte carbone.
Seule Elizabeth Merritt a détaillé sa méthodologie habituelle pour aborder les situations complexes auxquelles les musées sont et seront confrontés dans le futur.
La volonté de rester vague était peut-être voulue de la part des intervenants pour limiter les critiques, qui n’ont pourtant pas manqué de fuser lorsque la parole a été donnée à des personnalités plus engagées.
L’intervention d’Hilda Flavia, très jeune activiste ougandaise des droits de l’environnement et du climat fut un modèle du genre, apostrophant les musées sans mâcher ses mots:
- Que font les musées pour repenser leurs rapports avec leurs mécènes historiques au regard du changement climatique ? (allusion au mécénat des géants pétroliers)
- Que font les musées pour changer leur narration (Tell both sides of the story, Be inspirational) ? Rejoignant en cela un autre discours tout aussi radical de Mordecai Ogada enjoignant les jeunes africains “à apprendre à désapprendre ce que l’Occident leur a appris” ou encore la remarque de Ondřej Dostál soulignant une ambiguïté dans la thématique générale de la conférence: “Power (of Museums) can go hand in hand with prejudice ”.
- Que font les grands musées occidentaux pour aider les communautés des différents pays (africains, amérindiens) pour préserver leur(s) culture(s) sur leur terrain de naissance ? Sous-entendu sans en exporter à nouveau les découvertes ou les chefs d’oeuvre sous prétexte de conservation ou d’étude ? Thématique développée en introduction de la conférence par Mme Margarita Reyes Suarez et reprise sous forme de colère par M. Ogada à propos du transfert à Jena en Espagne (au National Research Center on Human Evolution (CENIEH) du corps d’un enfant datant de plus de 78 000 ans et découvert au Kenya .
- Que font les musées pour intégrer l’énergie et les modes de pensée des générations de moins de 30 ans, celles qui subiront de plein fouet les conséquences des changements climatiques mais aussi celles à même d’orienter les nouvelles technologies (IA, VR, 3D) vers un monde souhaitable ? Question soutenue par les sifflets réprobateurs des rares étudiants présents qui déploraient être au chômage alors même qu’ils avaient un PhD, tout en soulignant leur absence flagrante au sein des différents comités de l’ICOM et comités de direction de musées. Rares sont en effet les moins de trente ans actifs à ce niveau de décision : on peut citer Anna Lowe de Smartify à la Tate en Angleterre ou encore Christina Carr de NextGenPatron.com à la Smithonian.
“ To achieve sustainability, we need to change our mindset, lead the change and not only attend fancy conferences on the subject ” Hilda Flavia Nakabuye, activiste.
La standing ovation reçue par Hilda Flavia ne masquait-elle pas une impuissance des musées face à un discours à la fois difficilement contestable et très compliqué à satisfaire dans les délais attendus voire exigés ?
Quelques pistes de réflexions pour les années à venir
1°) Des orientations précises au travers d’une feuille de route
Challengés sur leurs partenaires financiers ou leurs réels engagements contre le changement climatique, interrogés dans leurs pratiques d’achat d’oeuvres d’art ou sur la lenteur des restitutions, fortement incités à intégrer une diversité de voix, à quitter leur neutralité et à reconnaitre leurs biais, les musées ont éprouvé le besoin d’inscrire leurs résolutions sous la forme d’un plan stratégique pour les cinq ans à venir selon 3 axes majeurs et 10 objectifs : positionnement global, gouvernance, principes financiers, communication, diversité, financement durable, changement climatique, les futurs numériques, leadership, décolonisation.
Il est à noter que ces lignes directrices ne s’appliquent pas qu’au musée physique mais également à son double numérique, soulignant le besoin d’un guide éthique pour la création de musées numériques, la gestion des collections en ligne (rejoignant en cela la dénonciation de biais dans les meta-data des collections évoquée par Seb Chan) et enfin la création de standards pour accompagner leur transformation numérique.
2°) Nécessité d’être plus stratégique pour poursuivre la transformation numérique
Le rapport du digital et de l’analogue, loin de s’apaiser, s’est complexifié ces dernières années. Le choc du tout numérique des années COVID a démontré de vastes inégalités entre institutions, tant dans l’appréhension des nouvelles technologies, le rapport aux géants du numérique, les budgets mis à disposition ou encore la formation et le recrutement des équipes. Plusieurs questions émergent, souvent en totale opposition, résultantes de réflexions engagées par certains.
- Quid des nouveaux modèles de médiation numérique immersive (Ateliers des lumières, Van Gogh/Monet Alive, TeamLab, SuperBlue etc) apparus pré-crise, mais qui ne cessent de prendre de l’ampleur et viennent directement questionner le rapport aux oeuvres réelles ? Faut-il suivre le modèle du Newfields d’Indianapolis qui a dédié un étage entier de son musée des beaux-arts à l’art digital en partenariat avec The Lume pour relancer la fréquentation physique de ses galeries classiques, ou renier tout écran au sein du musée comme le préconise Mme Anne-Sophie Grassin pour retrouver un rapport direct, sensible et porteur de sens avec les oeuvres, comme elle tente de le développer au Musée Cluny ?
- Quelle place accorder aux buzzwords et au développement de la réalité virtuelle, deux domaines très controversés pour leur manque de transparence sur leur capacité à la décentralisation des pouvoirs et leur coût écologique ? Les discussions restent ouvertes mais avec une tendance grandissante à la polarisation des deux camps.
“Beware decentralized” Seb Chan, Director of ACMI
“We can’t just op-out. We have to be part of the conversation and shape what it will look like. As custodians of our assets, we must be part of the solution” Sarah Kenderdine, ICOM Suisse.
- Quid du possible “digital dark age” qui attend les musées s’ils ne prennent pas mieux en considération la préservation, la documentation et le financement des infrastructures de leurs biens numériques ?
Cette question est d’autant plus importante qu’elle relève typiquement de choix stratégiques : doit-on tout numériser ou seulement ce qui est “nécessaire” pour les audiences ? Avec qui travailler (sous entendu: Où sont stockées les data des musées et avec quel facteur de cybersécurité, de longévité et d’adaptabilité aux contraintes à venir ? Avec quelle garantie d’impact carbone minime ? Avec quelle volonté de développement des compétences et capacité d’innovation numérique des équipes ? Avec quelles modalités ( sous entendu quelle place donner au travail à distance en interne mais aussi à l’acculturation du public au numérique en externe) ? Doit-on continuer à embrasser le modèle des GAFA centré sur l’exploitation des données et la génération de profits qui ne sont pas réintégrés dans la société ?
“Digital is more at risk than analogue […] Internet is not a place, it is more like a Time Machine” Seb Chan, Director of ACMI, discours introductif troisième jour
En un mot, comment construire des projets incrémentaux, potentiellement low-tech voire no-code (pour être accessible au plus grand nombre en interne comme en externe) mais aussi résiliants, compatibles avec les nouvelles normes RGPD et surtout utiles pour la conservation et la médiation du patrimoine mondial ?
Les voies développées par Sarah Kenderdine en lien avec L’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (expériences interactives pour les musées grâce à la Muséologie Computationnelle), par Rebecca Bailey directrice du programme “Towards a National Collection”, par Kiki Lennaerts du Netherlands Institute for Sound and Vision et sa stratégie de protection de contenus immersifs en partenariat avec la Tate (Preserving immersive media knowledge base), par Sébastien Soubiran président de Universeum-network oeuvrant à la préservation, l’étude, l’accès et la promotion des collections des GLAM ou à travers le modèle de collections en Open-access tel que développé par Anjte Schmidt du Museum für Kunst und Gewerbe Hamburg (MKG) sont parmi les solutions, dont le ruissellement en mode “allégé” vers de plus petites structures ne pourra être que bénéfique.
3°) Nécessité de poursuivre l’accompagnement du secteur éducatif
L’une des forces indéniables des musées est de pouvoir façonner une société civile pour la rendre plus informée et engagée, et ce d’autant plus qu’ils en ont la crédibilité (cf slide ci-dessous).
Mais cela ne peut se réaliser que si les enfants, dès leur plus jeune âge, ont appris à réfléchir avec les musées. La crise du COVID, en enfermant des milliers d’élèves pour de long mois, a permis de renforcer l’action des musées qui ont plus efficacement collaboré avec le secteur éducatif. Malgré ces avancées, beaucoup reste à faire pour être plus en phase avec les curriculum et comprendre le parcours “phygital” d’un enseignant. En dehors de la plateforme de la Smithsonian citée précédemment, voici trois autres exemples consultables en ligne, Educ’ART au Canada intégré dans une étude plus large présentée par Julie Rose préconisant le low-tech et la co-construction, un deuxième développé par le National Heritage Board de Singapour “Our SG heritage Plan” oscillant entre le physique et le numérique, et enfin un troisième par le M+ de Hong Kong, qui s’appuie sur un numérique avant-gardiste avec un apprentissage immersif et interactif en réalité virtuelle, en développant le concept pédagogique de “teacher-curator”.
4°) Nécessité d’innover en termes de financement
Les états exsangues réduisent de plus en plus leurs subventions aux arts et à la culture. La concurrence se fait rude auprès des grands mécènes ou fondations privées dont les fonds depuis la crise vont vers la santé ou le social. Viennent s’ajouter à cela des questions d’éthique qui ont particulièrement secoué le secteur ces dernières années (Sackler , Total , BP/Shell). Comment intéresser des financeurs en phase avec les nouvelles ambitions des musées ? C’est la question posée par Marek Prokupek enseignant à KEDGE art school, qui souhaite changer le paradigme d’évaluation pour l’attribution des fonds : favoriser l’impact social au détriment de la rentabilité économique. Mais cela nécessite l’élaboration de nouvelles unités de mesure ou de KPI.
“The museums thrive for their effectiveness when they are expected for their efficiency” Marek Prokupek
Un exemple de réussite en la matière fut donné par Andrés Roldán directeur du Parque Explora en Colombie qui a dû batailler avec sa mairie pour maintenir les subventions de son complexe situé en zone sensible de Medellín. Ce sont les arguments d’un lieu culturel comme modèle de résilience et d’inspiration pour les communautés alentours qui ont convaincu les élus (voir leur programme de “École pour les leaders”).
Une conclusion en forme d’interrogations
“What will be hung in the future on those actual empty walls, only decorated by the dots due to the digital scanning in action to protect our museums? What do we have to collect now to fairly document the war in order to shape our future? What is the line between our professional and civic duty?” Kateryna Chuyeva , Culture and information Policy of Ukraine Vice Minister
Nota Bene : Ce compte rendu est forcément incomplet du fait de l’impossibilité d’assister physiquement à la totalité des conférences. De nombreux autres sujets ont été traités, en particulier au sein des différents comités, sur des questions plus spécifiques de diversité, d’inclusion, d’accessibilité ou de communication des musées ou encore des problématiques de conservation ou de restitutions . Se rendre sur la page d’ICOM France pour en savoir plus.