AI Rap for a Museum
TextFX & Algorithmes génératifs
La semaine dernière, le Google Labs a lancé TextFx, un nouvel outil destiné spécifiquement aux rappeurs ou toute personne souhaitant jouer avec les mots en musique. Très dubitative après avoir testé de nombreuses intelligences artificielles génératives pour la préparation de mes cours sur la transformation numérique des industries culturelles et créatives, j’ai finalement été happée par le processus plus « intelligent », développé par le Rapper Lupe Fiasco. Je vous propose d’en découvrir le résultat sur le thème attendu du « Museum », qui au-delà de l’outil musical se révèle être un miroir pour le musée, révélant sa perception par le grand public, au travers des données du net servant à alimenter l’algorithme du projet !
Origine et concepteurs du projet Text-Fx
Le Google Labs est un habitué de la collaboration avec des personnalités susceptibles de servir ses intérêts. Il faut néanmoins reconnaitre que l’équipe sait dénicher les meilleurs talents pour transformer les différentes technologies en expériences artistiques originales. J’ai déjà mentionné dans mon dernier article l’œuvre d’Alexandra Daisy Ginsberg , « Pollinator Pathmaker » sur la biodiversité, ou le travail chorégraphique de Wayne Mc Gregor, « Living Archive », lors mon interview par Keru Podcast.
Cette fois-ci il s’agissait de mettre à disposition de rappeurs les nouveaux outils générateurs de texte. Dans la droite ligne des musiciens Afrofuturistes comme Sun Ra ou Jimi Hendrick, associant science, art et technologie(1), le rappeur Lupe Fiasco sera finalement choisi, autant pour son statut de résident du MIT et détenteur d’un GRAMMY® Award, que pour son intérêt pour la poésie et l’aspect lyrique de son genre musical, « somewhere between jazz, Jigga, and drill » comme il le dit lui-même dans son rap Roc-A-Fella Y’all. Mais sa direction sera différente de ce à quoi s’attendait l’équipe. Plutôt que de se contenter d’un assistant qui lui écrirait directement de nouveaux raps, Lupe choisit d’explorer toutes les possibilités de la langue anglaise, tant dans les associations de mots, d’idées, ou encore de sons. Cela donnera Text-FX.
(1)À propos de l’Afrofuturisme voir la newsletter n°131 de Muzeodrome qui commente l’exposition en cours au Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines à Washington DC.
Une boîte à outil pour jouer sur les mots et s’en inspirer
Texte-FX se compose en réalité de 10 outils s’appuyant chacun sur l’entrainement de grands modèles de langage (LLM), en l’occurrence Palm2, à l’aide de l’outil MakerSuite de Google Labs. Chacun des outils génère de façon différente une suite d’idées ou de mots selon le prompt qui lui a été proposé en entrée. C’est l’association des possibilités offertes par les 10 outils qui permet au rappeur d’élargir sa créativité, en homme augmenté par la machine, propre à une certaine tradition transhumaniste afro-cyber.
Ainsi Text-Fx offre les possibilités suivantes à son utilisateur :
1. Créer des similarités à propos d’un mot ou d’un concept.
2. Décomposer un mot en phrases de même sonorité.
3. Rendre un descriptif de situation plus inattendu ou plus original.
4. Construire une chaîne d’éléments sémantiquement liés.
5. Évaluer un sujet à travers différents points de vue.
6. Créer des allitérations sur un sujet en commençant par la lettre de votre choix.
7. Créer un acronyme à partir des lettres d’un mot.
8. Trouver des associations entre deux mots en les fusionnant.
9. Générer des détails sensoriels sur une scène.
10. Insérer un mot dans d’autres mots ou phrases.
Comme pour tout outil d’intelligence générative, il est également possible de jouer sur la « température » qui permet d’obtenir des réponses plus ou moins proches ou éloignées de votre prompt initial. De manière générale, l’outil est extrêmement simple et va plutôt à l’encontre du prompt-engineering trop complexe apparu ces derniers mois. Pour chaque outil, une vidéo de Lupe permet d’en comprendre l’usage.
Mais mieux encore, si vous souhaitez façonner la base de données à votre propre source d’inspiration, vous pouvez, soit créer votre propre outil, soit faire évoluer les différents outils dans MakerSuite en ajoutant des mots, en les enlevant ou en les inversant, jusqu’à obtenir ce qui vous intéresse. Lorsque vous avez obtenu votre génération d’options, vous pouvez en faire la sélection (Pin) et ensuite la télécharger pour la conserver.
Pour chacun des outils, il est également intéressant de noter que Google se prémunit contre les dérives potentielles de son IA (les projets du Google Labs sont encore en bêta) !
Dernière remarque, tous les fans n’adhèrent pas à la collaboration de Lupe Fiasco avec Google Labs, craignant un affadissement des futures paroles de ses raps comme en témoigne les commentaires sous sa vidéo YouTube.
Quelques résultats obtenus autour du mot « Museum »
Selon les outils, les résultats peuvent être très convenus voire décevants même en utilisant les variations de température. Pour ce qui est de leurs usages dans le Hip-Hop, compte tenu de la dimension politique du phrasé des rappeurs, on peut douter de l’intérêt de TextFX, à moins de travailler sa propre base de données.
- Résultats sur l’outil « Simile »
Cet outil donne différentes définitions du musée qu’il aurait été intéressant de soumettre au comité d’IFOCOM ! J’ai retenu l’idée d’un lieu où l’on peut observer le passé « sans danger », mais en la détournant avec d’autres générations d’idées pour introduire les perceptions actuelles plus négatives (le musée peut être un lieu agressif par absence d’identification, manque de reconnaissance ou projection d’une histoire unilatérale). L’idée de « capsule temporelle » convient bien à la dimension cyber du Hip-Hop.
2. Résultats sur l’outil « Explode »
Cet outil joue sur la sonorité du mot mais il se révèle assez décevant dans ses résultats bien que se focalisant sur un animal que Rosa Bonheur n’aurait certainement pas renié. J’ai donc sélectionné l’association d’idée pour apporter une touche irrévérentieuse ainsi qu’une possibilité musicale !
3. Résultats sur l’outil « Unexpect »
C’est très certainement l’outil dont j’attendais le plus de surprises et qui s’est révélé le plus décevant même en faisant varier la température. Toutes fois deux pépites en sont sorties laissant envisager de nouvelles expériences pour les musées : un musée géré par des clowns, un musée ouvert seulement trois minutes, de manière aléatoire. Qui va oser se lancer 😜 ?
4. Résultats sur l’outil « Chain »
Les résultats obtenus sur deux jours différents laisseraient penser que l’intelligence artificielle de TextFX a des émotions ! Un jour elle « pense » bateau, mer et pirates, tandis que le lendemain elle « pense » créativité, imagination, rêve. À tester sur plusieurs jours et à des horaires différents !
5. Résultats sur l’outil « POV-Point of View »
POV est l’outil qui questionne le plus la notion de musée. Sachant que la base des mots s’inspire des récupérations de données du net, les résultats donnent à réfléchir sur la perception des musées soit de manière humoristique (places to take a nap, places to find free air conditionning), soit critique (glorified warehouse for old stuff ; the most expensive day-care of the planet »), soit caricaturale (storage unit for old stuff !) mais aussi positive (the perfect place to escape the hustle and bustle of everyday life).
6. Résultats sur l’outil « Alliteration »
Étant très loin de maîtriser le phrasé du rap, j’ai choisi de manière très convenu la lettre M pour entrer en résonance avec le mot « Museum » mais je suis certaine qu’un bon parolier aurait choisi tout autre chose. Néanmoins certains résultats sont évocateurs comme le mot « mastodon ».
7. Résultats sur l’outil « Acronym »
Cet outil traite le mot Museum comme un acronyme et les résultats ne manquent pas d’intérêt ! En revanche, la variation des résultats sur plusieurs jours laisse penser que l’outil manque d’entrainement, à défaut d’inspiration !
8. Résultats sur l’outil « Fuse »
Fuse est l’un des outils les plus riches en réponses. Je souhaitais obtenir un peu de provocation en proposant « teenager », mais l’outil cherche plus les parallèles qu’il ne cherche à opposer les deux mots proposés, même en poussant la température jusqu’à 1. Il en ressort donc une idée commune de « curiosité » et « d’expériences » propres à la fois aux comportements des adolescents et à la démarche des musées.
9. Résultats sur l’outil « Scene »
Scene est l’outil qui propose le plus de réponses parmi les 10 proposés. Il est aussi très révélateur de l’image des musées avec des gardiens qui vous interdisent de toucher, où les adultes murmurent quand les scolaires gloussent, et les ados s’ennuient sur leur portable. On imagine instantanément les différentes scènes !
10. Résultats sur l’outil « Unfold »
L’outil Unfold s’est révélé très convenu dans ses résultats, même en poussant la température. On y retrouve des biais classiques des IA (c’est « mummy » qui est au musée, et non « daddy » !), ainsi qu’une forte tendance mercantile typique du SEO des sites de musées, imposé par Google (museum shop, museum gift shop).
Résultat final pour notre “AI Rap Museum”
Forte de toutes ces inspirations, j’ai donc demandé à ChatGPT de me composer un rap sans lui donner de direction autre que les choix effectués parmi les propositions des 10 outils. Il reste à le soumettre à un rappeur pour le mettre en musique ! Si vous en connaissez un, n’hésitez pas à lui soumettre et me faire part de vos remarques ou améliorations 😎 !
Si vous souhaitez réfléchir aux apports des outils génératifs (text / image /son/ avatar), Museovation peut vous accompagner dans votre réflexion sur leurs applications dans le contexte des musées, ou sur une familiarisation à certains outils dans des contextes professionnels (création de contenus pour les réseaux sociaux ou news-letters dans les nouvelles normes de SEO et respect des droits).
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